Le tir au Papegai
Le tir au papegai est un exercice de tir à l’arc, à l’arbalète ou à l’arquebuse documenté à la fin du Moyen Âge, populaire dans les espaces francophones (France, Belgique, Suisse). Il s’agit d’élever un oiseau en métal ou en bois au bout d’une perche entre 20 et 30 mètres, sur lequel on tire, quasi-perpendiculairement, dans le but de le faire tomber. Lors des fêtes annuelles des associations de tireurs (compagnie, abbaye, confrérie, etc.), ce type de tir constitue un concours au sein duquel le meilleur tireur reçoit le titre de roi. Le roi du Papegai recevait des prix en nature accompagné d’exemption d’impôt, ainsi que l’obligation dans certaines régions de fournir le papegai en métal ou en bois l’année suivante.
Saint Sébastien ?
Ces associations s’ancrent localement, souvent liées à une ville ou une paroisse. Elles se placent sous le patronage d’un saint, souvent Saint-Sébastien. Selon le récit hagiographique du 5e siècle (Acta S. Sebastiani Martyris, Patrologie Latine XVII, 1021-1058), le saint survit miraculeusement à sa sagittation (criblage de flèches) ordonnée par Dioclétien, grâce notamment aux soins donnés par Sainte Irène. Par allégorie, notamment de manière forte pendant la guerre de Cent Ans (1337-1453) et plus tard celle de Trente Ans (1618-1648), ce miracle est associé à la victoire sur les épidémies de peste et les malheurs de la guerre.
Pourquoi le perroquet??
Le coq est une figure christique. Les poules ou les coqs au bout de râteau sur lesquels on tire à l’arc (documenté dès le 9e siècle) sont remplacés par des perroquets au cours du Moyen Âge. La figure du papegai (papegay, papegault, etc.) est en vogue en Europe dès le 13e siècle. Un des romans arthuriens, intitulé le Conte du Papegau, où le roi Arthur, juste après son couronnement, abandonne le dragon comme armoirie et prend celles d’un perroquet. La source de ce roman date du 13e siècle et s’intitule Wigalois, le Chevalier à la Roue, où le fils de Gauvain et de la féé Florie reçoit un perroquet, prix d’un concours de beauté. Le tir au papegai représente déjà à cette époque une pratique culturelle diffusée qui a influencé ces romans chevaleresques.
Le tir au papegai aujourd’hui ?
Au 18e et 19e siècle, les associations de tireurs qui perdurent continuent à organiser des concours de tirs. Incorporé dans les tissus bourgeois et aristocratiques locaux, ces associations perdent leur couleur militaire pour jouer le rôle de creuset pour les relations sociales et pratiques sportives, un peu comme les sociétés de tirs d’aujourd’hui en Suisse. Certaines associations tirent toujours sur le Papegai, notamment en Franche Comté et en Flandres. Venez découvrir ces pratiques culturelles à Grandson, lors du tir annuel en juin ! Pour en savoir plus, allez visiter l’exposition au musée Denon !
Légende des images (prises par l’auteur):
Status dictz et ordonnances de la noble et brave compagnie de Messieurs les Archers Arquebusiers du Jeu de l’Arc de cette ville et citté d’Avignon, 1612 (Avignon, Bibliothéque municipale)
Albrecht Dürer, Hl. Sebastian, 1501 (Backnang, Städtisches Graphik Kabinett)
Der naturen bloeme, Flandres, 1300-1325 (London, British Museum)
Le mois de mai, tapisserie (tenture), Paris, 1767-1770 (Paris, Mobilier National)